S03 #BioDuJour – Thomas d'Aquin, Gildas, Martine, Marcelle, Ella, Théophane et Blaise

3.2.16

Semaine 03 #BioDuJour : Biographie rapide et fantasque du personnage qui se cache derrière le prénom fêté du jour. Les courts textes de six lignes postés quotidiennement sur les réseaux sociaux sont repris ici le mercredi et accompagnés d'une historiette rassemblant tous les personnages de la semaine.


28/01 – On fête les Thomas d’Aquin #BioDuJour

Thomas d’A. a six ans quand on le met au coin
Depuis il ne voit plus que le bout de son nez

TomTom d’A. a quatre sœurs et la misogynie innée
Il rêve d’en prendre une pour taper les autres

#ToToDa a vingt ans et la liberté capillaire
C’est avec sa tignasse qu’il pense plaire

29/01 – Gildas On fête les #BioDuJour

Gildas a trente-neuf ans et les pieds plats
Il a souvent le moral dans les chaussettes

Gildas porte des Mephisto™ depuis vingt ans
Il aimerait un jour s’acheter des Weston™

Gildas va chez le podologue et nulle part ailleurs
Sa vie est un panaris même quand il prend son pied

30/01 – On fête les Martine #BioDuJour

Martine a soixante-quatre ans et des souvenirs serrés
Une retraite de mots et des sentiments contrariés

Martine a un mari bien sous tous rapports
Qu’elle aimerait plus fréquents

Martine aime ses enfants et les tripoux
Et c’est tout, du vide dans un grand trou

31/01 – On fête les Marcelle #BioDuJour

Marcelle a vingt-neuf ans et de longs cils blonds
Elle est fermière en Lozère et tue le cochon

Marcelle trait les vaches et le mal en pis
Elle sourit un peu quand la neige fuit

Marcelle a la saillie facile et le nez troussé
Quand elle s’agace sur un mouton à peler

01/02 – On fête les Ella #BIoDuJour

Ella vise sa seconde année et les bibelots
Posées sur la table basse du salon

Ella est aimée plus que de raison
Par des parents qui ont tout lu Dolto

Ella peut mettre ses doigts dans le nez
Crier, insulter maman, c’est sa liberté

02/02 – On fête les Théophane #BioDuJour

Théophane est né mais ne sait plus quand
Il a un âge certain où on ne perd plus son temps

Théophane s’est marié avec une jolie pépée
Un jour il l’a perdue et jamais retrouvée

Théophane boit du thé le petit doigt levé
Sa goutte au gros orteil l’empêche de le plier

03/02 – On fête les Blaise #BioDuJour

Blaise se rend à l’évidence, il n’a plus vingt ans
Mais vingt-cinq et déjà se trouve vétéran

Blaise est un grand sportif intelligent
Un dieu du stade et un écrivain influent

Blaise dort nu sans drap sur son corps d’éphèbe
Il est adulé mais se rêve vieux et honni par la plèbe




Thomas d’Aquin somnole sous sa mèche, le cordon de son sweat à capuche à la bouche et des écouteurs vissés dans les oreilles. Il suce le bout du lacet en rêvassant qu’il étrangle sa sœur à l’aide de la sangle de son iPod.

Marcelle rentre de la traite de vaches, les bottes crottées de bouses fraîches. Le fumet pestilentiel emplit la cuisine, tournoie et se faufile sous les narines de Thomas qui sort brusquement de sa torpeur. D’un bond, il s’éjecte de sa chaise et attaque sa sœur à la gorge - genre Jet Li dans « Danny the dog » - les crocs en avant et la bave aux lèvres. Etonnant de voir comme ce garçon à la chevelure improbable passe en un éclair de la douceur d’une loutre se baignant dans un fjord en Norvège à une bestialité de Rockweiler en rut. La Marcelle, il faut l’avouer, n’est pas la plus propre, ni la plus belle, ni la plus intelligente. Mais ce n’est pas parce qu’elle pue et qu’elle est laide, qu’il la déteste. Ce n’est pas non plus parce qu’elle est fermière et que Tom doit se coltiner le tintamarre dès l’aube, les récoltes de foins, la traite des vaches et la mise en mort du cochon ;  non, c’est juste que Marcelle est conne. Voilà ce que pense Toto, Marcelle est une conne. Il dit « conasse », parfois, mais jamais en présence de Gildas, le petit ami de Marcelle, un vieux de dix ans son ainé qui a les pieds plats et des pompes semblables aux bouses des vaches de Marcelle.

Gildas parle peu et c’est tant mieux. Il est professeur de SVT au lycée professionnel de Mende. Il vient tous les week-end voir la Marcelle. C’est le genre patibulaire mais presque. Un gars strict, grand, sec, aux os saillants et aux cheveux en cire noire auquel tu n’as pas envie de chercher des noises. Alors, quand Gildas est là, TomDaq, il la met en veilleuse. Ce qui ne l’empêche pas de jouer au voyeur quand Gildas et Marcelle se tapent une « petite vite » dans le grenier à foin. Il a souvent envie de la tuer, la Marcelle, mais il doit bien se l’avouer : elle a un pétard de malade !

TotoDaq aime bien quand sa soeur voit Gildas. Il a l’impression que l’amour la rend moins conne. Elle est toute douce et roule des yeux pendant que Gildas lui caresse le ventre et parle de lui faire un enfant. Si c’est une fille, ils veulent l’appeler Ella comme l’association des handicapés parrainée par Zidane. Trop la classe ! Remarque avec les parents qu’elle aura, il vaut mieux qu’elle ait d’entrée un handicap pour se faire aimer.
La Marcelle, ça la met en émoi quand son Gildas lui cause de faire un bébé. Elle en bave sur sa robe à grosses fleurs jaunes et lui roule des galoches à ne plus en finir. Elle est si heureuse que, parfois, elle parle même à Martine, la voisine. Cette sexagénaire, un tantinet acariâtre, est à la retraite mais toujours à la tête d’un cheptel de vaches que la Marcelle jalouse. Des bestiaux élevés à la dure qui impressionnent tout le village. Alors, elle l’invite à manger les tripoux à la maison. A contre cœur mais, sait-on jamais, une femme qui a su élevé des bêtes aussi bravement, il faut se la mettre à la bonne. La ferme de Martine a été reprise par son neveu, Blaise, mais la patronne, c’est toujours elle. Faut dire que Blaise ne fait pas grand-chose dans l’exploitation. Il a mis de l’argent comme Gildas trempe son biscuit dans la Marcelle ; puis basta, il s’enferme toute la journée dans la chambre du haut et il écrit des livres en se regardant dans un miroir.

Le Blaise, c’est un beau garçon, comme elle dit, Marcelle, musclé et avenant, un gars de la ville qui a su allier talent et séduction. Gildas lui répond qu’il n’a rien dans la tête, que ces livres ne valent rien, qu’il a eu de la chance et puis c’est tout, que, de toute façon, on vit dans une société d’apparence et que c’est toujours les plus beaux qui prennent leur pied dans la vie. C’est vrai que, lui, avec ses panards qu’on dirait des barques, ses Méphisto et son regard chelou, enfin bref…

#ToToDac relâche la pression sur le cou de la Marcelle dont le visage a viré du rouge au jaune en passant par le vert. Il ne supporte plus d’être dérangé par le remugle de ses bottes pleines de merde et, un jour, il la tuera ; il se l’est promis.
Il se laisse tomber sur une chaise, les yeux révulsés et, haletant, bredouille un truc ressemblant à « quelle grosse conasse… » tandis que Marcelle récupérant son souffle avec un reste d’effroi dans les yeux, jette ses godillots sur le perron d’un geste brusque et hargneux.

Théophane, en promenade du soir, passe en cet instant et se prend les pieds dans les chaussures souillées balancées par Marcelle. Il pousse un cri d’animal qui alerte le pâté de maisons, un hurlement aussi strident que celui d’un verrat sur le billot. Théophane, c’est le doyen et le sage du village, tellement sage que personne ne sait l’âge qu’il a, tellement il est vieux, tellement il est hors d’âge. Il est bouffé par l’arthrite qui ronge ses os ; alors le moindre choc le fait choir comme une figue mûre. Le voilà parterre, tout rabougri, le nez collé à la bouse dans l’impossibilité de faire le moindre mouvement. Marcelle l’aide à se relever et, appuyé sur son épaule, elle le traine jusqu’à la cuisine.
Théophane reprend ses esprits (s’il en reste un peu) prés de poêle à bois que Gildas, tout juste arrivé de la ville, réapprovisionne de deux gros rondins. Marcelle s’applique à nettoyer son visage maculé d’excréments avec un gant de toilette humide. Gildas est gêné, Gildas a l’air toujours gêné et fait mine de chercher sa pipe dans son baise-en-ville. Blaise, alerté par le cri du vieux et la vocifération de Marcelle, sort furtivement la tête par la fenêtre et se ravise quand il s’aperçoit qu’il n’y a rien d’anormal dans la rue. Martine, depuis le pré d’en face, caresse une de ses vaches comme si c’était de la soie, elle n’a rien vu ni entendu, d’ailleurs elle s’en fout. Tom d’Aqui s’est apaisé et planqué sous sa capuche, il sourit enfin en convoquant la chute de Théophane comme une photo GIF. Un peu d’animation dans ce bled de conasses, songe-t-il en remettant ses écouteurs aux oreilles et le lacet de son sweat en bouche.


Ella - 01/02


Dans le même tiroir