Vieux ticket
23.4.18
Peu à peu, la rue était devenue excessivement uniforme. Les trottoirs luisant aussi forts que les néons des lampadaires les éclairaient, plus aucune ombre n’apparaissait, plus aucun halo de lumière ne tombait dans la rue. Une couleur jaune et linéaire se répandait tout le long des pâtés de maisons. On aurait dit qu’un grand linceul usé recouvrait le corps de la rue pour en masquer le moindre défaut de nivellement et faire disparaitre toute obstruction qui aurait pu se glisser entre ses arcanes et le regard qu’on lui portait. Pourtant, les habitations bien rangées étaient toujours là. On les distinguait grâce à leurs toits qui se détachaient du paysage homogénéisé de la rue. Ils faisaient office de repères afin que l'on puisse retrouver son adresse. C’étaient des toitures aux couleurs criardes arrachées à un jeu de Lego dont une des tuiles rectangulaires arborait un numéro qui, par un système de rétro-éclairage ingénieux, se répercutait sur le pas des portes. La rue était devenue une large bande d’un jaune passé sur laquelle on avait affiché des nombres dans un ordre décimal impeccable. Finalement, la rue ressemblait à un gigantesque vieux ticket de loto où chacun tentait encore sa chance.