Prendre le soleil

20.12.18

La rue prend le soleil, les orteils écartés sur la mer, une brume matinale en guise de chapeau. D’aucuns qui la traversent disent qu’elle fait une belle fainéante ainsi allongée au bord de l’eau, nue comme un vers, aussi longue qu’un mille-pattes à qui on aurait coupé l’herbe sous les pieds. Or, elle en a gros la rue, gros sur son moral car se laisser aller de la sorte, alors que tout le monde s’ébroue ailleurs dans les usines, les bureaux, les écoles, lui pose tout de même des problèmes de conscience. 
On la croit détendue, toute à sa vacuité de rue mais en définitive elle rumine, seule, complètement épuisée par une année de doutes et de colères rentrés. Si les gens ne faisaient pas que passer avec leur jugement hâtif, ils verraient au bord de ses trottoirs couler quelques larmes de désespoir, des larmes de décembre comme une neige de saison ; ils sentiraient ce froid humide sortir de sa bouche, son asthénie chronique qui paralyse tout son corps. La rue prend le soleil, oui, mais parce que c’est tout ce qu’il lui reste.

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