De l’enfance, je retiens l’inutilité d’être parmi les gens

10.10.20

De l’enfance, je retiens l’inutilité d’être parmi les gens, posé là entre un canapé et une table basse, à faire courir un monde de jouets aux couleurs irréelles. La vision trop basse, toujours axée sur les hanches de ma mère, scindait l’espace en deux. En bas, un ballet de jambes longues animées par un grand et invisible marionnettiste et, plus haut, un univers de formes et de sons plus intrigants les uns que les autres. Tout sonnait faux et les images trop floues ne parvenaient pas à faire leur chemin de clarté vers moi. Quelqu’un, quelque part, lançait des couteaux dans le vent qui jamais n’atteignaient leur cible : des mots, des actes, des silences incompréhensibles et lourds à porter sous un crâne dont la fontanelle n’arrivait pas à se refermer. Les heures étaient de ce poids, étaient de ce mystère des grands, de l’impuissance de leurs mots dans ce grand chaos qui semblait régir la vie.

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