De l’enfance, je retiens les messes basses dans les couloirs

16.2.21

De l’enfance, je retiens les messes basses dans les couloirs. L’expression m’échappait alors. Je ne voyais aucun problème à prier en murmurant, même si le couloir s’avérait un endroit incongru pour le faire. Version pieuse de mes pensées, messes prégnantes vers lesquelles ma grand-mère tirait ma carcasse, avec ses mains enroulées dans un chapelet de billes noires qu’elle portait régulièrement à la bouche. Pour moi, les messes basses, c’était ça : la prière de ma grand-mère agenouillée devant un Christ muet qui ne daignait nous accorder qu’une tête hirsute et obséquieusement inclinée sur le côté.
Mais non, je me trompais. Il s’agissait d’échanger des propos que personne ne devait savoir ; on les appelait les secrets de grands. Parfois, il était même admis de médire, de partager avec ses proches moqueries et quolibets envers son prochain, voire même d’éprouver ensemble et en catimini de la petite haine que doux Jésus ne nous permettait pas de dévoiler au grand jour.
Enfin, il a bon dos, Jésus, me disait souvent ma grand-mère, en levant son chapelet au ciel.

 

Dans le même tiroir