La femme au balcon XXVIII

17.3.22

Nous avons nos deux fenêtres entrouvertes sur la rue. Face à face, on évolue chacun chez soi, sans se connaître. On voit nos gestes, nos va-et-vient, nos visages du matin que l’on préférerait cacher, nos peurs et nos joies se blottir ensemble le soir quand nos cigarettes au balcon se croisent. On entend nos voix, nos bruits quotidiens et dans nos pensées volatiles, nos renoncements comme des claquements incontrôlés passent d’un balcon à l’autre. Tant de choses filtrent et traversent la rue sans que l’on en soit partie prenante. Quelques mètres de vide seulement nous séparent et cela suffit pour nous donner une illusion de protection. La proximité est une présence que l’on préfère ignorer. On la sait là, impossible à éviter, mais on souhaite préserver notre intimité, du moins on fait comme si on pouvait. On se voit tous les jours dans un miroir. Le reflet ne nous renvoie pas notre image mais à notre refus de voir l’autre, de l’intégrer dans le paysage. Plus le temps passe et plus cette absence s’impose. Nous, la femme au balcon et l’homme derrière la fenêtre, formons une seule et même solitude, rien de plus proche ne peut nous arriver.

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