La femme au balcon XLI

24.4.22

Jour de vote. Nous vivons dans le même quartier. Nous sommes appelés par conséquent à nous déplacer dans le même bureau de vote. Le numéro 11 de notre canton. Midi, je sors. Le bureau n’est qu’à deux pas de nos appartements. Nous nous y verrons peut-être à moins que tu aies décidé de voter plus tôt ou plus tard que moi.
En fin de matinée, je t’ai vue sur le balcon. Il m’a semblé à la façon dont tu étais habillée que tu t’apprêtais à sortir. J’ai pensé à mes parents qui toujours faisaient un effort vestimentaire pour aller voter. Il faut être de propre, disait ma mère mais pas trop parfumés, cela pourrait gêner les autres. 
Au numéro 11, on se verra peut-être effectuer notre devoir civique. Quel parfum auras-tu mis dans ton cou ? Viendras-tu seule ou accompagnée ?
Midi et cinq minutes. Je suis dans l’isoloir. Je regarde la poubelle, ce sac plastique accroché au coin de la petite planche qui nous sert d’appui pour glisser le bulletin dans l’enveloppe. Je ne peux m’empêcher de fouiller sur le dessus pour découvrir les derniers bulletins jetés. J’en vois quelques-uns qui ne me font pas plaisir. Je soupire mais c’est la règle, c’est la loi. Chacun s’exprime en son âme et conscience.
Je tire le petit rideau, sors de l’isoloir. Et tu es là, juste devant moi dans la file d’attente de l’isoloir n°5 bureau n°11, le même que le mien. Tu as jeté le mauvais bulletin. À ta nuque longue et blanche, je soupire une nouvelle fois. Je n’aime pas ton parfum.

Dans le même tiroir