La femme au balcon XXXVII
14.4.22Depuis que nous nous sommes rencontrés, il se passe quelque chose de nouveau entre nos fenêtres. On dirait que l’air a changé, qu’il y est beaucoup plus dense. Sous son poids, la rue a légèrement rétréci dans sa largeur. Nos balcons sont plus proches. D’aucuns diraient qu’on a brisé la glace. Nos regards sont plus longs, ne peuvent éviter un sourire glissé comme un bonjour, une présence renforcée qui en dit plus : je t’ai reconnu, je t’ai vu l’autre jour dans la rue, loin des balcons, alors désormais, on est plus proches qu’avant. On se risque à des gestes de la main pour tendre un fil invisible entre nous. On est à deux doigts de se parler sur cette ligne que chacun de nous lance à l’autre comme deux piètres pêcheurs ; mais on ne le fait pas, les mots en diraient trop, risqueraient de couper le fil, de rapprocher beaucoup trop les balcons. On ne veut surtout pas que la rue disparaisse.