Le miroir des autres 31

29.12.22

Fleurine ouvre sa boutique à neuf heures tous les jours. À neuf heures de mes jours. Des siens dans le miroir, j’ignore la temporalité, ni même s’il existe des jours et des nuits. Elle est en retard, cavale sur le trottoir et sous un petit crachin alors que je suis en train de me débarbouiller le visage. Elle s’abrite avec un journal roulé dans la main. Je me penche sur le lavabo mais ne parviens pas à déchiffrer la date sur la Une. Elle trottine désormais et arrive à la papeterie avec vingt minutes de retard, heure de mon côté du miroir. 

Du sien, la séquence s’accélère comme si quelqu’un avait appuyé sur avance rapide de la télécommande. Elle se baisse, ouvre le rideau métallique qui étonnamment ne fait aucun bruit. Il ne bruine plus. Il est toujours neuf heures vingt. Je ferme le robinet. Elle entre dans la boutique et sur le pas de la porte, se sèche les cheveux avec une serviette qui ressemble à la mienne, posée près de moi sur le radiateur. Fleurine ne perd plus de temps (et en effet, n’en a pas perdu, il est toujours neuf heures vingt) et se met à ranger des cartons. Le miroir s’éteint.

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