Le miroir des autres 40

7.1.23

Au réveil, je me demande combien de gens je connais (même de loin) et de combien je suis capable de citer le nom. C’est amusant. Je m’attelle devant mon café à visualiser mentalement les visages puis colle sur leur front une étiquette aux coins arrondis et aux fines lignes bleues — les mêmes que l’on collait à l’école sur les cahiers de classe, en début d’année — étiquette sur laquelle j’écris ensuite avec un stylo à encre violette et de ma plus jolie écriture, celle qui m’oblige à tirer légèrement la langue, le prénom et le nom de la personne revenue se balader devant mon regard mental. 

Je dresse cette liste avec rigueur mais je m’aperçois au fur et à mesure qu’il sera difficile d’en venir à bout, qu’il me sera impossible de savoir, une fois le stylo posé, si la liste est vraiment complète. La mémoire a des interstices et des dérivations impénétrables. Je fais alors machine arrière pour effectuer l’inverse : tenter de me souvenir des visages et des noms que j’ai oubliés… Cette nouvelle tentative échouant encore plus vite que la précédente, je me recouche, frustré. 

Dans le miroir, les Autres ricanent. D’abord sous cape puis de manière communicative les rires augmentent jusqu’à se tordre de cynisme, et maintenant c’est à gorge déployée qu’ils inondent la salle de bains. Je m’enfouis sous les draps. J’ai froid au bout du nez. La salle de bains n’est plus que rires et sarcasmes. Tout ça est vraiment très désagréable.

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