Quatre couleurs

28.1.23

Encapuchonnée comme un stylo quatre couleurs, tu marches vite devant moi. Tes jambes font des ombres en anneaux sur le trottoir, sortes de cercles qui varient en volume et intensité selon les caprices de la lumière que projète un grand réverbère. 

On avance tous les deux, l’un derrière l’autre. Quelques dizaines de mètres et je suis saisi d’un malaise. Si quelqu’un nous regarde, il pourrait croire que je te suis, toi avec ton bonnet quatre couleurs, ta silhouette en anneaux, tes petites jambes qui courbent le trottoir. 

J’accélère pour te dépasser, tu accélères aussi. Celui ou celle qui regarde, si quelqu’un regarde, ne comprend pas ce petit manège de couleurs et d’ombres. Car la mienne d’ombre, silhouette de grand échalas, te recouvre presque entièrement depuis que nous avons ensemble bifurquer rue Carlencas et que le réverbère derrière nous ressemble désormais à un gros spot en forme de lune couchante.

Nous continuons jusqu’au seuil de mon immeuble. Je m’arrête. Tu prends à gauche tandis que je prends mon temps pour chercher mes clés, les glisser dans la serrure ; tu sautes sur l’autre trottoir tout en faisant tourner quatre couleurs dans mes yeux qui te suivent en coin.
Tu es vite devant ta porte, penches la tête, me tends à ton tour le coin d’un œil et entres chez toi. 
Je ne t’ai pas reconnue, chère femme au balcon.

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