Au bistrot

7.10.25

Je suis au bistrot de Jeannot, avec le Marcel puis le Robert, arrimés au comptoir comme deux esquifs au port, un jour de tempête.
Il y a des coupelles de cacahuètes qui trempent dans l’eau croupie, des cendriers jaunes en triangle avec Ricard inscrit autour.

Il y a de la fumée jusque dans les oreilles, Michel Sardou dans le juke-box, et mon Marcel et mon Robert, ces bastringues, tanguent sur les tabourets avec leurs taches rouges dans les yeux, leurs haleines d’alligators et leur cancer plié entre les dents.
On a de la tendresse pour les olives noires toutes fripées, et pour les salades que racontent Marcel et Robert : à toi, à moi, à qui dira la plus grosse connerie.

Je dénoyaute des souvenirs, peinard, en butant le flipper — celui à afficheurs à rouleaux, avec le chanteur de Kiss au milieu, qui tire sa longue langue.
Je suis là, avec eux, à écrire ces mots, quand ça fait tilt dans ma tête : tant que je suis au bistrot de Jeannot, à claquer les extra-balles du souvenir, le Marcel et le Robert ne sont pas vraiment morts.

2023

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