La rue a une fossette au menton

La rue a une fossette au menton. Mettons qu’il faut pour la voir s’élever un peu. Mais le visage est bien là, planté entre les murs qui bordent la rue. Des yeux grands comme le ciel, des paupières en volets et un nez en forme de rond-point. Sa bouche est droite, bordée de lèvres qui ressemblent à des contre-allées. Allez ! Voilà que cette rue grandiloquente se prend pour une avenue. Parvenu à lire son visage, c’est bien la fossette au menton que je retiens. Mettons que je divague, que la rue et moi mentons. Que la fausseté du regard peut m’amener à dire n’importe quoi. Admettons.
  • 28.8.21

Dimanche s'épuise

Dimanche s’épuise tandis que le chat s’étire sur le sol
On entend au loin le bruit des voitures qui s’étouffe
Le vent posé sur une borne fait du stop 
Pour qui voudrait prendre l’air, il est disponible
Dans ses oreilles trompette Chet Baker
Quelques rides malicieuses caressent son front
Comme une portée de notes bleues
Un voyage plein de promesses au-delà des heures
Aussi légères et fines que la moustache du chat
Il a écrit ça sur son petit carton et tend le pouce
A qui saura s’arrêter avant l’autoroute du lundi
  • 21.8.21

Mes disparus

Mes disparus, mes revenus. 

Vous êtes des visages qui tremblent comme à travers la flamme d’une bougie. 

Ici au bout du boulevard des vies brisés, vos bouches flottent et je vois des cris sortir de vos lèvres agitées par le feu.

Il me suffirait de souffler pour vous éteindre, de chasser les pensées tordues du rêve. Je pourrais courir loin au-delà du boulevard, vous fuir ou patiemment attendre la fin de la coulée de cire. 

Mais c’est une bougie de farces et attrapes, de celles qui se rallument dès que l’on souffle dessus. Mais c’est un boulevard sans horizon, un chemin qui revient avec tout ce qui est parti.
  • 8.8.21

Quelqu’un va dans la rue

Quelqu’un va dans la rue 
dansant sous le vent léger 
comme le ferait une robe 
entre une paire de jambes. 

Pas de musique mais des pas sûrs
cadencés par un ciel métronome
c’est l’été qui bât son mystère
joues rouges et talons hauts. 

La mélancolie heureuse sur le pavé
quelqu’un va dans la rue
en portant sur son dos un baluchon
de mots usés à jeter à la mer.
  • 2.8.21