Jamais déclarée

13.5.17

Tu n’as pas pris le temps de l’envoyer. Je l’ai retrouvée dans le tiroir du vieux meuble de l’entrée, sous de vieilles enveloppes contenant divers papiers administratifs flanqués de dates du siècle dernier. Une d’entre elles au rabat encore collant l’avait prise dans ses filets. Ta lettre, ainsi attachée au papier kraft d’une enveloppe de déclaration d’impôts de mille neuf cent soixante-dix, est passée inaperçue durant des décennies ; certainement déplacée d’un endroit à un autre, au fil des rangements successifs des piles de papiers dont on n’arrive pas à se débarrasser, elle a traversé le temps, liée à un impôt jamais déclaré. Elle est restée là, piégée dans le tas des choses à jeter ou à oublier, dans le fatras d’une vie que chaque maison peine à nommer. C’est une lettre perdue pour toujours, prise dans la toile des atermoiements qui te caractérisaient.
Tu n’as pas pris le temps de l’envoyer. Elle est devenue une lettre sans âge, ni portée, une lettre non oblitérée, rassemblant dans sa marge le poids des années refusées et la signature d’une histoire d’amour jamais déclarée.

Dans le même tiroir