La femme au balcon XXV

10.3.22

Tu parles fort ce matin. Alors que la pluie menace, tu prends le balcon comme siège d’une petite colère. Tu cries ce matin. Tes mots s’élèvent dans la brume, téléphone en porte-voix. J’entends ton correspondant essayer de répondre tant bien que mal à ton énervement. Mais rien n’y fait, il ne peut pas parler. 
Ton corps se met à bouger dans tous les sens, nerveux, piqué de tics, de mains dans les cheveux, gesticulations vaines, bras levé au ciel à plusieurs reprises comme une alerte à la rue. C’est la seconde cigarette que tu allumes. Tes paroles se déchirent dans le combiné, à ne rien comprendre de ton propos. Je ne veux de toute façon pas savoir de quoi il en retourne. De quelle blessure vient cette soudaine colère, ni à qui tu t’en prends à l’autre bout du fil. 
Tu cries ce matin et la rue ne réagit pas. Je n’espère rien d’autre que le calme. Que ton visage revienne, que tu te rassoies sur ta caisse en bois, que tu fumes lentement, apaisée. Tu lèves encore une fois le bras. De la cendre tombe sur tes cheveux. Tu raccroches. Il pleut.

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