Chère application - 16 novembre

16.11.22

Chère application,

Cette nuit, j’ai tué le poème à grands coups de prépositions et d’adjectifs, de métaphores à deux balles et de jeux de mots fumeux. J’ai aligné les mots comme des soldats. Feu ! L’écran était un champ de bataille, les lignes des baïonnettes. Ça pétaradait de partout. Tous ces vers gisants, ces scansions sanguinolentes, ces allitérations éventrées, cette musique macabre… Un carnage !

J’ai tué le poème. Il n’en reste rien. Un corps inerte et dégingandé. La dépouille n’est même pas présentable. Il faudrait lui rendre un dernier hommage, recomposer deux trois quatrains avec les morceaux de boyaux qu’il reste, juste pour qu’il fasse bonne figure, qu’il joue sa dernière danse de poème sacrifié sur l’autel de la cruauté humaine.

Enfin, chère, fais ce que tu peux avec ce que tu as. Je te fais confiance. 

Je t’embrasse, chère application.

Dans le même tiroir