Chemins

Des traces d’avenir sur le sable,
des rêves coincés entre les murs.

Au bout de ton crayon de bois,
ces lieux intimes mal dessinés

dont il suffit de se souvenir
pour savoir combien ils étaient libres. 

Qu’as-tu fait de tes chemins d’enfance ?

2020
  • 29.4.25

Signe

Je cherche un signe dans la maison
qui tirerait le silence de mon poing. 

La vibration vient de la fenêtre,
pleine du sommeil des autres. 

Un éclat rôde sur la vitre,
paupières ouvertes sur la ville. 

J’ouvre la main.

2022
  • 27.4.25

Pagaille

La vie bat les tempes, bourdon
d’antan et d’aujourd’hui, parole
cacochyme, sifflement de serpent.

Par où s’insérer, trouver sens
dans ce qui part en fanfare 
et revient tapiner dans le froid. 

Écrire en traçant ses courbes,
sinusoïdes femelles, cimes mâles,
la vie vaut bien une telle pagaille. 
  • 26.4.25

Bel ennui

Je me donne à l’ennui
comme à une maîtresse,
avec envie et discrétion. 

Personne ne doit savoir 
les perversions de l’âme,
l’étrange indignité des songes. 

Mon bel ennui, je te chéris 
pour tout ce que tu donnes 
à mentir et à espérer.
  • 25.4.25

Tour

La lumière se vide d’elle-même 
s’accroche quelque part
où mon œil ne sait pas aller. 

Le jour va jouer des notes
de nuit longue — requiem 
pour un paysage d’ombres. 

La lumière va parler de croches 
de portée musicale à d’autres
que mon oreille n’entend pas. 

J’attends mon tour.

2022
  • 24.4.25

Faim

La nuit à peine dégagée
que déjà le ciel flamboie.

Où sont passés les chiens galeux
qui hurlaient nos petites morts ?

Les voisins pleins de sommeil
écartent le soleil des balcons.

On pourrait encore avoir faim
que personne ne le remarquerait.

2018
  • 22.4.25

Presque

On a rouvert les fenêtres
pour que l’air balaie nos visages.

De la rue on entend des voix
sous le murmure du tramway.

Une mouette égarée s’offre
une pause sur le toit d’en face.

Un enfant éclate de rire
et un ballon de baudruche.

Il ferait presque doux.

2019
  • 20.4.25

En voilà des questions !

Par quel miracle aujourd’hui
se tient encore debout 
face à moi qui le regarde ?

Qui tire la ficelle toujours 
plus mince que la veille
et, à la fois, à jamais si solide ?

Qui me protège ainsi,
la joie au bord des yeux
comme un pilier au milieu 
du préau de l’enfance ?
  • 19.4.25

Fougère

J’ai la voix humide, la chanson d’un ruisseau dans la tête. J’ai le nez au frais, le front pas très haut, les idées dans un petit chaos qui donne le tempo. Il fait pas beau mais ça fait rien.

Je regarde le haut d’un sapin qu’aucun vivant n’a jamais touché. Ça fait rien.
J’ai un chemin sous les pieds. Je vois le temps. J’aime la chanson du ruisseau. 

Dire que j’aurais pu naître dans la peau d’une fougère.
  • 17.4.25

Mon rêve

Mon rêve n’a aucune imagination
il parle seul, je n’existe pas pour lui 
comme s’il était rêvé par un autre. 

J’ajoute un oreiller, un traversin
change de position dans le lit
sur le dos, ventre, côté droit ou gauche. 

Rien n’y fait, mon rêve m’ignore
aussi plat qu’un épisode de Derrick
il n’obéit à aucune illusion. 

Mon rêve commence à m’emmerder. 
  • 15.4.25

Échafaudage

Du sable sous les yeux,
un reste de nuit crisse
en rabattant le drap du jour.

On entend le ciel monter
sur son échafaudage 
la voix serrée d’un enfant

Un linge humide posé
sur les paupières suffirait
pour retourner au rêve.

2018
  • 13.4.25

Va-et-vient

Les heures entrent par une porte 
ressortent par une autre,
va-et-vient parmi les ombres. 

Je cherche une durée,
ne trouve qu’un manège animé
par la mécanique des retours. 

Je passe par le trou de la serrure
en quête de l’instant qui sait ralentir.

Je cherche une issue qui n’existe pas,
une peine que rien ne peut assouvir.
  • 12.4.25

Murs de paille

De l’enfance, je retiens la douleur des autres et comment ils s’évertuaient à la masquer. Faux semblants et visages irradiés de mensonges, ombre épaisse leur barrant le cou cachée sous des écharpes de joie. 
Douleur qui traversait la mienne, elle-même dissimulée grâce aux murs de paille érigés autour du bonheur. 
Longtemps, ce qui en résultait de silence en moi oeuvra à ouvrir les mots d’aujourd’hui.

2020
  • 11.4.25

Énigme

Les couleurs se blottissent 
dans le coin d’un mur, prises   
dans le grand buvard du jour. 

La lumière hésite à entrer,
pose ses joues timides 
sur le balcon et attend. 

Attend que quelque chose 
donne le signal, une voix
un geste ; résolve l’énigme. 
  • 9.4.25

Ressac

Il fait un jour à renouer avec le ressac. 
Ce paquet lourd jeté à la mer qu’est le corps parfois. Malmené par la tête qui dodeline au vent, part et redresse sans cesse. Jour de tempête entre les oreilles où rien ne s’efface mais où tout bouscule. Des douleurs d’enfant cognent à la porte avec leur masque en forme de sourire. Ça va, ça vient et quand ça vient, ça va. On se dit ça quand la vague passe, la langue pleine de sel. 
Il fait un jour à renouer avec le ressac.

2019
  • 7.4.25

Savoir-vivre

Savoir-vivre.

Fixer longtemps le ciel clair
puis détourner les yeux

sans rien attendre d’autre
que la nuée de mouches

émues à la surface de l’iris
par la lumière trop vive.

Laisser vagabonder
sur le bout de son nez.

Recommencer.

2017 
  • 6.4.25

Bouteille

Il suffit parfois d’ouvrir la fenêtre,
de tourner ses épaules comme des gonds.

On entend alors un grincement délicat,
un vice qui crie dans le corps las.

Se dire qu’on a pris de la bouteille,
qu’on aimerait la rendre à la mer.

2018
  • 5.4.25

Aux heures où

Regarder l’envers de l’instant 
qui rôde entre deux averses.
Y voir une nuée de lèvres tendues
comme autant de baisers à voler
ou au contraire un vol de corbeaux
qui se confond dans une cape d’ombre ;
à moins que ce soit la même et seule vision
avec laquelle il faudra compter demain
aux heures où tu te crois poète.
  • 3.4.25

À jeter

Petits pas dans la nuit 
d’un poème de rien, poème Kleenex. 

À jeter dans la corbeille du réel après usage
Attention ! Pas celle réservée
aux cartons ni celle pour le recyclé 
Voilà celle-là, la poubelle verte,
pour le tout-venant et le rien d’advenu,
c’est un poème sans importance. 

Si ce n’est sa façon de marcher
dans la nuit, écoutez comme ça dure
mais allez-y, veux pas vous déranger
si vous n’avez pas le temps,
il en passera d’autres, des poèmes
à petits pas, des poèmes de rien,
des poèmes à jeter. 

2023
  • 2.4.25