Porte Maillot

3.10.15

Elle a dix-sept ans depuis trente ans et sur le parvis, ses pieds sont tournés en dedans, ses mains serrées sous son ventre et les doigts emmêlés de pensées juvéniles. Elle attend, le cœur serré de retrouver dans un instant l’ami tant aimé, elle parle des souvenirs enfouis, de l’adolescent qu’il était, de l’homme qu’elle espère. 

Le soleil rasant ondule ses cheveux noirs et les garnit de reflets blancs tout en posant une ombre sur son visage. L’écran de son téléphone s’éclaire. Il va arriver. Le sourire se fait plein et rallume un bonheur qu’elle croyait oublié. Il va arriver et c’est elle qu’elle espère retrouver.
La circulation est dense ce soir porte maillot comme dans sa tête prise dans l’embouteillage du souvenir. L’ami qu’elle n’a pas revu depuis trente ans va surgir à nouveau dans sa vie et faire miroir des plaies et rides. Pour l’instant, il suspend par son retard quelques apnées de temps. Son souffle est court, les épaules rentrées et l’oeil masqué derrière des lunettes noires. Les minutes sont longues, aussi longues que les trente années à s’oublier.

Crâne glabre, costume sombre et chemise blanche, un homme beau et élégant franchit la bulle du passé. Ils se rapprochent dans une émotion partagée. Les mots s’interpellent, font tête-bêche et toisent quelques poncifs mais très vite, le temps est convoqué et la parole de jeunes années diffuse du bonheur à emporter. Les années, les décennies défilent dans un cortège de détails et d’euphorie. Le rire est en partage, les enfants respectifs passés au crible de l’amour, leurs amours à la machine de l’adolescence retardée, les amis à la toise du changement ou de la constance.

Du tenant au corps à la plus légère des futilités, les amis de lycée se sont retrouvés comme si le temps n’avait jamais existé, jurant de se revoir pour que les images ne soient jamais plus oubliées.
 Porte Maillot_(c)_Nicolas-BOREL_Nuit 03

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