Sans l'ombre d'un doute

16.3.18

Ce soir, la rue est figée. Aucune voiture, aucun passant, aucun souffle. Entre les silences qui déambulent sur le trottoir, on croit pourtant apercevoir une ombre, on pense entendre une voix, une voix qui parlerait tout bas, qui dirait à l'ombre de ne pas oublier qu'elle n'existe que par la lumière. Bien sûr, on sait combien on se trompe. Qu'il n'y a pas plus de voix que d'ombre ce soir dans la rue figée. Que la voix n'existe que par le corps qui l'expulse. Que la lumière et le corps n'ont pas grand chose à voir entre eux. On sait tout ça dans la rue figée que l'on voit ce soir par la fenêtre, que d'autres voient aussi bien que nous depuis leur balcon, depuis l'oeilleton de leur porte, depuis simplement leurs pensées, bien installés dans leur fauteuil, plongés dans un livre rempli d'ombres ou devant une télévision diffusant une trop forte lumière. On sait tout ça puisque, mis à part notre propre ombre qui pourrait s'étaler dans la rue figée, si tant est qu'on décide de sortir pour la dégourdir, mise à part la lumière qui dans quelques minutes va peut-être jaillir de la rue par une porte entrebâillée, mise à part notre voix intérieure qui, par définition, jamais ne sort, il n'y a rien ni personne dans la rue figée ce soir. Que du vide. Sans l'ombre d'un doute.

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