La femme au balcon IX

5.2.22

Le soleil arrive sur le balcon par petites touches. Il roule sur la rambarde puis commence à mordre l’encadrement de la fenêtre. Elle n’est pas là. C’est un balcon sans elle. Ne fumerait-elle plus ?

Je n’ose plus sortir. Le gars d’en face est toujours là à m’observer. Il me fait peur. Il a des yeux mauvais, un visage inquiétant. J’en ai parlé autour de moi. On s’est moqués. Mais je sens bien que son regard n’est pas naturel. Il me fixe. Bien sûr, nos fenêtres, nos balcons sont proches mais moi j’évite son regard pour ne pas le gêner. On ne se connaît pas. Il convient de garder des distances sociales même si l’on se retrouve proches physiquement.  On n’a pas choisi cette situation. Mais lui, je sens bien qu’il m’épie pendant que je sors fumer sur le balcon. Pas naturel du tout. Que me veut-il ? Je ne suis pas tranquille. Je vais descendre dans la rue pour fumer, désormais. Après tout, je n’ai qu’un étage à descendre. 

Elle n’est plus là. Ce n’est pas qu’elle me manque. Enfin, peut-être. J’ai essayé un temps de l’ignorer mais je n’y arrive pas. Elle m’obsède. Jusqu’à son absence. Surtout à cause de son absence. Deux jours que je ne l’aie pas vue. Elle n’a pas pu arrêter de fumer du jour au lendemain. C’est une grande fumeuse, le sevrage ne peut pas être aussi radical. Elle n’est tout simplement pas chez elle. Voilà tout. Il ne faut pas en faire un drame. 

Descendre pour fumer, oui mais je ne peux pas laisser les enfants seuls dans l’appartement. Ma fille est suffisamment grande mais mon fils en profiterait pour faire de bêtises. Mais qu’est-ce qu’il a, ce gars, à me mater comme ça ? 

Le soleil change de balcon comme résigné de n’y voir personne. Une ombre s’échappe de sa fenêtre. Il me semble apercevoir une silhouette l’entrouvrir. Mais ce n’est qu’un effet de réverbération sur la vitre. Voilà que j’entends sa voix dans la rue. Je la reconnais. Je sens l’odeur de sa cigarette. Elle est bien là mais ne sort plus sur le balcon. Pourquoi ?

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