La femme au balcon VII

1.2.22

J’ai abandonné l’idée qu’elle disparaisse. Je veux dire que mes actions auprès de l’agence immobilière et du syndic aboutissent. Personne ne comprend la gêne que cela occasionne. Tant pis, je vivrai avec la femme au balcon et ferai tout pour m’en détourner. L’ignorer sera mon remède. Je me concentrerai sur les petits désagréments que l’on peut rencontrer dans un logement en location et qui sont reconnus comme tels par l’agence et le syndic. 
Aujourd’hui, le bruit de l’eau - goutte à goutte lancinant - qui court dans les tuyaux reliant les radiateurs. Demain, la mauvaise isolation des fenêtres qui fait grimper ma facture de chauffage. Plus tard, le faux contact lorsque je presse l’interrupteur du couloir. Il ne me faudra pas oublier le voisin qui met en route sa machine à laver tous les samedis à six heures trente. Voilà de vraies revendications de locataire. 
Je ne regarderai plus la femme au balcon fumer toutes les heures. Je ne chercherai plus à changer les choses. Je ne m’offusquerai plus lorsqu’elle se coupe les ongles des pieds à deux pas de ma fenêtre. Je n’écouterai plus ses conversations téléphoniques ni ne chercherai à connaître quelle application elle fait défiler sur son écran, pas plus que ce qu’elle écrit sur son grand cahier bleu. J’ignorerai jusqu’à son existence même. Il faut que je sois fort. 
Mais j’ai peur qu’elle me manque.

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