Chère application - 18 juin

18.6.22

Chère application,

Samedi 18 juin. Je me suis levé cette nuit incommodé par la chaleur. J’ai lu en désordre les livres ouverts du moment. Un peu des poèmes d’Anne Sexton, traduits par Sabine Huynh, quelques pages de L’autre moitié du monde de Laurine Roux et pour finir un ou deux poèmes de Francesco Pittau tirés de ses Épissures. 
Ça n’a pas fait chuter la température mais certainement l’angoisse qui pèse souvent sur la nuit comme une vieille et grosse lune. Lire m’apaise, m’empêche de penser la réalité telle qu’elle est. Pourtant, ces auteurs ne parlent que de ça, du réel ; mais il s’agit d’un réel soigné ou ébouriffé ou encore égratigné par la littérature, par le pouvoir du style. 

Samedi 18 juin. Je pense à Trintignant ce matin, comme beaucoup d’entre nous. Traversant la douleur, il lisait, jouait la poésie pour tenir le coup, pour calmer ses angoisses et ses envies de disparaître. Il y est parvenu avec Prévert, Vian, Apollinaire, Rimbaud notamment. J’aimais beaucoup cet homme. J’aimais beaucoup son élégante mélancolie. 

Samedi 18 juin
*Je vis beaucoup avec elle. Souvent, je passe une journée avec un vers. Il y a quelques jours, c'était un vers de Rimbaud. "Je suis de la race de ceux qui chantaient dans les supplices". C'est magnifique non ! C'est dans une saison en enfer. Je peux me saouler avec les images contenues dans un seul vers. C'est une ivresse. Il y a longtemps que j'aime vraiment cela. Mais j'ai peur d'embêter les gens quand j'en parle. Ma femme est un peu allergique à la poésie. Je lui dis trois vers et elle me répond : "ça va, ça va".*
Jean-Louis Trintignant, citation lue ce matin chez Florence Noël. 

À demain, chère application.

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