La femme au balcon LIII

8.6.22

La nuit, ton balcon est toujours dans la lumière. Le réverbère y répand son faisceau puissant. Il sait qu’il doit veiller parce qu’à toute heure, tu peux sortir. Il garde la place. Tu peux venir sans rien allumer chez toi, te faufiler entre les ombres guidée par son seul éclairage. C’est un phare dans la rue, toujours prêt à t’accueillir. 
Ce soir, Il est presque minuit et tu viens te poser pour la dernière cigarette de la journée. Tu plisses un peu les yeux car le réverbère a gonflé son halo depuis que tu es apparue. Il met pleins feux sur la femme au balcon. La fumée vient se mélanger à la lumière, grimpe aux étages puis repart dans la rue dans une traînée de poussières. L’intensité lumineuse ne cesse d’augmenter et elle est désormais à son maximum. J’en suis presque aveuglé. Tu tires une dernière bouffée et rentres après avoir adressé un sourire dans les airs, comme pour remercier ton fidèle serviteur de la nuit.
Le réverbère revient à son intensité normale. Je sors sur mon balcon à ce moment-là, intrigué par cette variation soudaine de lumière. Je m’assieds, allume à mon tour une cigarette. Le réverbère se met à vibrer, clignote de plus en plus rapidement, s’arrête un instant puis, par à coups, semble lancer un SOS accompagné de deux minutes de grésillement, suivent trois flashs brefs comme des appels de phare et finalement il s’éteint. Définitivement. Un silence perce la nuit avant un long sifflement de mort qui, depuis, ne cesse de parcourir la rue.

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