Visages

Parfois ce sont de vieux visages 
qui viennent trembler à la fenêtre.

Sans s’annoncer, une autre image
remplace le cadre du réel.

Un soleil pour ces autres
sous un mirage les brouille.

Des anciens, des oubliés
revenus de l’œil de la mémoire.
  • 30.7.25

Bleu du fond

Malgré la fatigue des gestes,
les renoncements mal assumés,
le désarroi qui parfois affleure,
ne pas toucher le bleu du fond.

Faire avec les fissures de l'âme
comme si on reprisait nos frusques,
chercher l'aiguille dans la botte,
ne pas avoir peur d'espérer.

2019
  • 24.7.25

Soutenir les ombres

Il fait un jour à soutenir les ombres. 
Nous devrions courir après les arbres. Les sauver des cueilleurs et des bûcherons. Préserver les longues branches que le vent balance. Nous devrions nous liguer contre les climatiseurs. Courir nus dans les prés jusqu’à ce que la soif nous étreigne. S’allonger et dans l’ombre d’un saule pleureur attraper ton sourire. 
Il fait un jour à soutenir les ombres.

2019
  • 16.7.25

Couleur du jour

Le vent prend dans ses bras
les plis et replis de la mer.

La couleur du jour
pourrait être mauve
si on s’attardait 
sur les couches de suie
laissées par la nuit. 

La couleur du jour 
pourrait être fauve 
si on prenait le vent
dans nos bras,
si on le plaquait sur le sable.

2019
  • 13.7.25

Erreur de rêve

Elle est entrée dans mon rêve aussitôt sortie de celui d’un autre.
J’ai vu qu’elle venait d’un autre rêve à sa tête, à son allure, et surtout à sa chevelure blonde.
Je ne rêve jamais de filles blondes — puis son accent n’était pas d’ici.
Je rêve local, habituellement.
Elle portait autour d’elle le décor du rêve précédent, ou d’un rêve simultané — allez savoir.
Un halo blafard l’encerclait.
Elle marchait lentement dans une ruelle sombre.
Elle me scrutait avec bienveillance, mais son regard était encore pour l’autre, le rêveur précédent.
Un blond, assurément, qui devait se trouver désemparé derrière elle, à l’autre bout de la ruelle, planqué dans une porte cochère, à regretter de la voir doucement s’enfuir de son rêve.
Je voyais qu’elle ne se sentait pas à sa place, à piétiner ainsi mes chimères.
Mais, comme deux inconnus qui se croisent avec l’impression de s’être déjà vus, sans savoir quand, comment ni pour quelle occasion, elle m’a décoché un sourire tendre et confus.
Un sourire pour se donner une contenance, parce qu’elle ne savait pas ce qu’elle fichait dans mon rêve.
Elle voyait bien que, même si on s’était croisés un jour, elle ne devait en rien apparaître dans mes rêves — que c’était là, tout de même, un manque incroyable de savoir-rêver !
Elle a marché longtemps — enfin, le temps de mon rêve : quelques millièmes de seconde — puis a disparu, rattrapée par ses propres rêves, au sein desquels jamais n’apparaît quelque homme brun.

2016
  • 9.7.25

Coucher

Cet arbre au dos voûté 
voudrait m’envoyer un message.

Me dire le poids des années
sous des ciels trop pleins de lumière. 

Ou bien m’indiquer la position
à adopter — coucher avec l’horizon. 

Une fatigue, pour trouver la beauté
juste à l’endroit de ses courbes.



  • 7.7.25

Manège

Le manège tourne.

Un camion de pompiers,
un oiseau à hélice,
une voiture de police,
une odeur de poussière,
un pompon à franges.

Un œil suit le mouvement.

Une pomme d'amour
un rouge aux joues,
un peu de sucre,
un sourire perdu,
un rien de vent.

La tête tourne.

Est-ce une fuite
de chevaucher l'enfance ?

2017
  • 5.7.25

Œil fendu

Le soleil rase les toitures de zinc, la ville étire ses longues jambes. Derrière un mur, quelqu’un regarde le ciel comme s’il allait flamber.

L’heure a beau faire la belle, l’angoisse fait son train. Tapi dans l’ombre des tours, quelqu’un racle sa gorge, l’œil fendu face au crime du petit jour.

2020
  • 3.7.25

Plaine

Et c’était mordre la neige,
cette sensation dans le ventre.

Un regard, puis le vide autour,
une plaine où l’on perd la voix,

tant le froid envahissait la parole,
dérèglait les sens, quand tu es partie.
  • 2.7.25