J'ai

6.7.13

J’ai. Moi. J’ai. Dans la bouche ce jet, cet entrefilet à siffler. J’ai. Dans l’intention, dans l’expression ce qui est moi. Moi et ma colère douce, ma colère et moi brute. La rue en exutoire.

J’ai. Moi. J’ai. Comme le joueur de rugby qui avertit l’équipe qu’il va attraper la balle en train de tomber. J’ai ! J’ai ! Dans un grand cri, un grand saut. Le regard, la trajectoire. Le joueur sait. Je sais aussi. J’ai. Je vais la choper. Elle est à moi. La balle qui tombe. La vie qui chute.

J’ai. Moi. J’ai. Cette vista. La vista de la vie ici-bas. J’ai sur la bouche ce « J’ai ». Toujours. Ce petit pincement de lèvres, yeux plissés et nez furet. J’ai. Suis prête à pester de tout, même à crier des mots doux. J’ai. De l’amour plein les joues qui ne demande qu’à gronder la rue et mettre le monde à genoux.

J’ai. Moi. J’ai. Le savoir de chez moi. Ce qui est bien, ce qui est mal. J’ai toujours un « putain » pour finir mes phrases. L’injure aimable et le cœur fragile. J’ai. Le passant comme ami, a priori. Mais méfie ! Le poing sur les hanches, l’oeil qui cause et la répartie avertie. J’ai. Ma rue et le verbe haut. J’ai. Mon ici béant.

J’ai. Moi. J’ai. Là, là au creux de mon corps, la grâce des mordus. C’est moi qui ai, qui suis, qui sais et c’est moi qui aime. Point.


Illustration : Julien Boutonnier 


Texte initialement publié lors des vases communicants de juin 2013 sur le blog de Julien Boutonnier, peut(-)être

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