Chère application - 4 juin

4.6.22

Chère application,

Samedi 4 juin. J’ai vu La Femme au balcon métamorphosée en pigeon se poser sur la rambarde du balcon. Battre des ailes et s’envoler. Je tiens la fin de ce texte. Pouf ! Envolée. On n’en parle plus. Mais ce matin, elle est revenue, bien sûr. Face à moi, cigarette et petite culotte. Pour m’en débarrasser, à part déménager, je ne vois pas d’issue. 

Samedi 4 juin. Il en est des obsessions d’écriture comme des rites quotidiens. On essaie de s’en débarrasser. Ils reviennent. Et en cela, la fonction « souvenirs » de Facebook n’aide pas. Elle fait partie des rites du matin — se gratter la barbe / pipi / café / clope / ouvrir / Facebook / menu / souvenirs. Ce matin, je retombe par exemple sur un texte d’une petite série écrite à l’occasion de la sortie de « Rats taupiers » en 2016. Ce livre consacré à mon père. Obsession et rite confondus. J’ai écrit sur lui tous les jours ou presque pendant quinze ans. Si on considère que j’en ai fini, rien de moins sûr. 

Samedi 4 juin. 
On boit toujours des coups au bistrot en se remémorant les monticules de terre fine, ces saillies comme des kystes dans ta terre. On bavasse en riant de ta science de la capture des rats taupiers. Car il fallait user d’ingéniosité pour attirer le bestiau, il fallait connaître son heure et son chemin, son appétence de rongeur, savoir l’espèce exacte et son gabarit afin de tendre le piège approprié. On raconte encore l’histoire des rats taupiers et de Marcel. Elle fait toujours le tour du zinc, glisse entre les bouches et se conte entre les tournées. La petite histoire est lancée à voix haute par des gouailleurs dévideurs de regrets. Elle est modifiée et exagérée, car, ici, on ne s’embarrasse pas de la vérité – on construit des légendes à reluire pour que le souvenir reste beau. 
(Boite à souvenirs de Facebook, 4 juin 2016)

À demain, chère application.

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