Erreur de rêve

Elle est entrée dans mon rêve aussitôt sortie de celui d’un autre.
J’ai vu qu’elle venait d’un autre rêve à sa tête, à son allure, et surtout à sa chevelure blonde.
Je ne rêve jamais de filles blondes — puis son accent n’était pas d’ici.
Je rêve local, habituellement.
Elle portait autour d’elle le décor du rêve précédent, ou d’un rêve simultané — allez savoir.
Un halo blafard l’encerclait.
Elle marchait lentement dans une ruelle sombre.
Elle me scrutait avec bienveillance, mais son regard était encore pour l’autre, le rêveur précédent.
Un blond, assurément, qui devait se trouver désemparé derrière elle, à l’autre bout de la ruelle, planqué dans une porte cochère, à regretter de la voir doucement s’enfuir de son rêve.
Je voyais qu’elle ne se sentait pas à sa place, à piétiner ainsi mes chimères.
Mais, comme deux inconnus qui se croisent avec l’impression de s’être déjà vus, sans savoir quand, comment ni pour quelle occasion, elle m’a décoché un sourire tendre et confus.
Un sourire pour se donner une contenance, parce qu’elle ne savait pas ce qu’elle fichait dans mon rêve.
Elle voyait bien que, même si on s’était croisés un jour, elle ne devait en rien apparaître dans mes rêves — que c’était là, tout de même, un manque incroyable de savoir-rêver !
Elle a marché longtemps — enfin, le temps de mon rêve : quelques millièmes de seconde — puis a disparu, rattrapée par ses propres rêves, au sein desquels jamais n’apparaît quelque homme brun.

2016
  • 9.7.25

Coucher

Cet arbre au dos voûté 
voudrait m’envoyer un message.

Me dire le poids des années
sous des ciels trop pleins de lumière. 

Ou bien m’indiquer la position
à adopter — coucher avec l’horizon. 

Une fatigue, pour trouver la beauté
juste à l’endroit de ses courbes.



  • 7.7.25

Manège

Le manège tourne.

Un camion de pompiers,
un oiseau à hélice,
une voiture de police,
une odeur de poussière,
un pompon à franges.

Un œil suit le mouvement.

Une pomme d'amour
un rouge aux joues,
un peu de sucre,
un sourire perdu,
un rien de vent.

La tête tourne.

Est-ce une fuite
de chevaucher l'enfance ?

2017
  • 5.7.25

Œil fendu

Le soleil rase les toitures de zinc, la ville étire ses longues jambes. Derrière un mur, quelqu’un regarde le ciel comme s’il allait flamber.

L’heure a beau faire la belle, l’angoisse fait son train. Tapi dans l’ombre des tours, quelqu’un racle sa gorge, l’œil fendu face au crime du petit jour.

2020
  • 3.7.25

Plaine

Et c’était mordre la neige,
cette sensation dans le ventre.

Un regard, puis le vide autour,
une plaine où l’on perd la voix,

tant le froid envahissait la parole,
dérèglait les sens, quand tu es partie.
  • 2.7.25

Mémoire des rives

Il passe son temps à nettoyer les bords de l’eau. Cette eau vive, après les pluies, charrie toutes sortes d’immondices, de branches, de boue mêlée aux herbes — une mélasse qui s’agglutine et fait barrage.
Il faut, dit-il, créer le passage à grands coups de pelle, élaguer les arbres pour éviter que ne s’ajoutent des branches aux branches venues d’ailleurs, de la mélasse à la mélasse des montagnes.
Son front porte haut dans ces moments-là. Il est le sauveur des eaux avant qu’en été, elles ne se taisent. Que le ruisseau s’éteigne. Que l’eau ne coure plus, qu’elle laisse place à une terre sèche parcheminée de crevasses. Certains lui disent que son travail ne sert à rien, qu’il faut laisser faire la nature. Que l’eau passe et se calme. Mais rien n’y fait. Il passe son temps à nettoyer les ravines.
Il sait ce que retient la mémoire des rives.

2021
  • 29.6.25

Le civet

Le soir tombe dans la cuisine,
un civet de lapin frémit sur le feu.

Une odeur de chasse se dégage 
de la grande casserole qui boite. 

Le couvercle se lève puis retombe
comme une cymbale malade. 

A moitié vide, la bouteille de rouge
garde le bouchon heureux.

On entend nos voix se blesser 
contre l’écran du téléviseur.

2020
  • 28.6.25

Le confiturier

Je me souviens des notes que tu laissais sur le petit meuble dans le couloir. Juste à côté du téléphone à cadran et au fil torsadé, quelques mots sur des post-it bleus qui ne se détachaient jamais de leur bloc. Un nom, un numéro, une fleur ou un gribouillis déposés là lorsque ton interlocuteur parlait trop, ne voulait plus raccrocher, se perdait en bavardages inutiles.
Je me souviens de ce meuble aux grosses joues. Tu l’appelais le confiturier, le petit confiturier en bois brun. Aucune confiture à l’intérieur, mais des blocs et des blocs de papiers bleus, neufs ou déjà griffonnés : des noms avec des numéros, des fleurs ou des gribouillis d’impatience.
Je me souviens de ce confiturier, lorsqu’il a fallu le déménager. Je l’ai vidé de tout ce papier bleu qui sentait la poussière. Quelques blocs se sont défaits. Alors, j’ai trié : les fleurs d’un côté, les gribouillis de l’autre ; les correspondants que tu aimais, et ceux qui t’agaçaient.
Je me souviens du tout petit bouquet de fleurs.

2020
  • 27.6.25

Tari

De l’enfance, je retiens les puits et les fontaines taris. La pierre sèche dont on faisait des sanglots. Les pluies qui ne venaient pas, même en suppliant le ciel longtemps. L’écho long et profond de ma voix qui descend dans la terre. Les petites joies cachées sous les cailloux, brins d’herbes folles dans le vent pour oublier le temps. La patience des longues journées d’été à qui la nuit tirait des ivresses.

2020
  • 22.6.25

Jeux d’eau

L’enfant, dans les jeux d’eau de la place, cherche le regard de maman. Étonné, il s’aperçoit qu’éclabousser n’est plus interdit. S’amuser avec les jets, aujourd’hui, est permis. Va savoir pourquoi, à la maison — semble se demander la petite tête ronde qui se tourne vers moi — une pareille giclée que je viens de t’envoyer sur les pieds, quand je la projette du robinet de l’évier au parquet, s’avère la pire des bêtises.
Oui, petite tête ronde, tout ça n’est pas simple… mais continue !
  • 21.6.25

Rasade

Une rasade de soleil dans le café
et toute la parole s’exile.

Peu de mots viennent à moi
pour espérer la rejoindre.

Un courant d’air me surprend,
une onde plate au niveau du sourcil.

Je cherche dans le ciel trop bleu
une insouciance à qui sourire.

2018
  • 19.6.25

Ciel bas

Un ciel bas promène un chagrin,
longe les bords d’une mélancolie

sans jamais la toucher de peur
d’en apercevoir l’épaisseur.

Une brume lumineuse se débat,
apaise l’œil de son soleil fragile.

L’espace est mince pour en tirer
une joie sans se sentir redevable.

2018
  • 15.6.25

Vairon

Dans la rivière de l’enfance, près des rochers
glissants où les truites font leur ronde,

là où va l’obscure vase, aujourd’hui encore les mots
sont courts pour dire les écorchures au genou,

le bout des doigts flétri, l’odeur de serpillère sale
remontant des racines de l’arbre,

nos cris dans la vallée quand s’agitent les ombres
et cette eau vairon qui toujours frétille dans les yeux.

2020
  • 14.6.25

Débrayage

Quand le moteur du jour débraye, jeter une pensée espiègle dans le cambouis du ciel en soudant d’un regard une ombre grasse, en décalant d’un doigt les rouages d’un nuage ou en freinant d’un soupir l’effacement naissant d’un arbre ; puis s’en remettre au sommeil des bêtes sans vraiment comprendre à quoi rime toute cette mécanique.

2017
  • 11.6.25

Le bout de ses souliers

Il fait un jour à regarder le bout de ses souliers. 
Un jour qui sent les petites blessures de l’enfant. La nuit à midi, une honte qui peu à peu nous envahit. Plus un mot ne peut sauver les heures qui passent. Et ça provoque comme une mauvaise ivresse. Le souffle court. Inspirer est une marche, expirer un escalier sans fin. Y penser est une bombe. On pourrait mourir là, écraser par soi-même. On espère juste que le ciel s’ouvre pour quitter ses pieds. 
Il fait un jour à regarder le bout de ses souliers.

2020
  • 11.6.25

Travaux

À la faveur de travaux, la rue perd sa rectitude. La traverser devient un défi : sauter de planche en planche, une épreuve que certains peinent à réussir en bougonnant ; d’autres l’ignorent, longeant le bord du trottoir, s’appliquant — un pied devant l’autre, bras écartés — à sourire à l’enfant qu’ils étaient, dans le bonheur des marges.
  • 9.6.25

Arum

Je ne t’ai jamais déposé de fleurs. Ne m’en tiens pas rigueur. Je n’ai pas la nostalgie fleurie mais la mémoire aussi fragile qu’un pétale d’arum. Mon hommage passe par une parole creuse que je tire à l’infini. Un langage de peu d’éclats comme la fleur sauvage qui pousse à la lisière de ton ruisseau. Elle y trouve l’eau et le calme souterrain de la terre. La tige grimpe longue, fière et droite et me tend un calice blanc et violet qui s’ouvre comme un deuil. Est-ce un hasard si l’arum dégage cette odeur si particulière de charogne ?

2016
  • 8.6.25

À travers un verre

Je regarde à travers un verre l’étrange déformation du dos d’un livre. Prises dans la matière ciselée, les couleurs fuient sur les bords. Il semble qu’elles bavent et que l’ordinaire s’en effraie. 
Le titre, le nom de l’auteur mutent : un A devient un B, un C allongé une corne ; un E tire la langue tandis qu’un F me lance une flèche multicolore. Je bois un peu d’eau, repose le verre qui reprend son kaléidoscope multipliant contorsions et métamorphoses. 
Je continue ainsi jusqu’au verre vide qui, par la condensation, se voile d’une buée de plus en plus opaque. Lentement, les couleurs s’éteignent, les lettres retrouvent leur place. Le livre disparaît, une certaine joie aussi. 
  • 7.6.25

J’aime le jardin de mon père

J’aime le jardin de mon père, avec ses grillages troués, ses allées mal dessinées où la terre se fait la belle dès les premières pluies tombées.  

J’aime le jardin de mon père, ses allées de tomates tordues, ses ravines où l’eau coule mal, résiste à des poignées d’herbes dressées là comme des barrages. 

J’aime le jardin de mon père, ce petit foutoir aux arrosoirs percés, aux seaux en plastique brûlés, aux vieux outils de fil de fer ou de chiffons rafistolés.

J’aime le jardin de mon père car il reste dans ma mémoire le lieu qui ne ressemble en rien à l’éducation stricte et ordonnée qu’il a tant voulu me donner.

2020
  • 6.6.25

Sur le palier

Je vais ouvrir la porte sans y penser, la refermer sans me retourner, glisser les clés dans ma poche.

Je vais dire bonjour sur le palier au voisin, qui aura refermé sa porte sans y penser, se sera retourné…

M’aura salué, les yeux mal allumés sur ce nouveau matin parmi tous les matins futurs et passés dont on peine à trouver les clés.
  • 3.6.25

Visages

Il y a les visages de l’enfance 
ouverts ici comme des paysages

— soudain, par je ne sais quel artifice,
revenus d’une mémoire cabotine. 

En parler du fond de leur nuit, 
est-il façon de les faire revenir ?

Vanité du poème que de remplacer 
les regards par des mots.

2020
  • 1.6.25

De loin en loin

Je vois le père au loin,
Il ressemble à une tache
de soleil dans les yeux. 

Il travaille aux taupinières,
point flou persistant, debout
sous l’orgueil du souvenir. 

Je ferme un temps les yeux
comme on serre les poings,
je te vois, de loin en loin. 
  • 31.5.25

Il parait

Il paraît que les vieux chagrins restent sur nos visages, qu’ils tracent leurs sillons, pore après pore, année après année, jusqu’à devenir les chemins de traverse qu’empruntent nos rides pour nous aider à sourire.

2020
  • 30.5.25

La lumière des autres

Il fait un jour plein de la lumière des autres. 
La lueur des gens heureux que l’on voit au fond des yeux venir manger nos visages ; cette lueur-là aime à se balader sans heurt parmi les autres, dont l’humeur tombe trop souvent comme des paupières lasses. Elle résiste à toutes les épreuves, au mauvais temps qui va et qui se pose sur nos joues mais aussi aux petits abandons qui longent les routes et toutes les tristesses qui les traversent.
Il faut s’attarder près d’elle, en prendre régulièrement des surdoses, s’y exposer longtemps pour recharger les sourires. 
Il fait un jour plein de la lumière des autres.

2019
  • 28.5.25

Hissez haut

Il n'avait pas vu la voile se hisser, se tendre vers le ciel comme pour toucher les nuages. Il lui avait fallu se ronger de l'intérieur, pourfendre l'ennemi qui se logeait entre les noeuds de son ventre pour enfin croire au vent. Puis il y eût la vague et ses caprices, la caresse puis la grêle. Le gros grain qui envahit l'écoutille et la marche maladroite d'un homme contre l'adversité. 
Il n'avait pas vu au loin la marée montante. L'immensité de la mer dans l'étroitesse de sa vie. Submergé, il cherchait au pied du mât les étoiles à jamais perdues.

2017
  • 27.5.25

Midi trente

La nuit a chopé une mélancolie, l'a serrée au cou sans arriver à s'en défaire.
Depuis, la matinée a des allures de marin qui ne rentrera jamais au port.

Heureusement, à midi trente, le voisin a entonné La belle de Cadix.
L'après-midi n'a plus qu'à se faire des yeux de velours.

2017
  • 26.5.25

Le réveil

Encore un peu d’obscurité 
pour terminer l’éternité.

Un décibel monte trop haut,
une porte craque – le réveil. 

Un rêve tire sur les bras,
le jour gonfle les joues. 

Retenir ce qui fuit,
l’histoire incroyable de soi.

2023
  • 23.5.25

Cueillir des ronces

Il fait un jour à cueillir des ronces.
Juste pour le plaisir de l’égratignure. La peau éraflée pour à nouveau se sentir vivre. On pourrait couper à travers bois, piétiner fourrés et bauges avec la crainte d’un sanglier tapi sous les hautes herbes. On serait heureux de sentir nos corps réagir à l’approche d’une clairière. Nos mains en sang mais nos cœurs feux de joie.
Il fait un jour à cueillir des ronces.

2020
  • 22.5.25

On voit

On voit la mer
changer de temps,
changer de rôle. 
On voit s’arrondir nos dos,
souvenir des vagues anciennes
et quand elle perce 
à jour nos complaintes,
on voit rouler 
sur nous toutes les pertes.

2019
  • 20.5.25

Le quai

De l’enfance, je retiens le quai surplombant la rivière. Le saut dans la vie que c’était de se dresser debout sur le muret au bord du vide que l’on appelait Espace, à rester là à boire le corps de l’autre, le corps ami sous un soleil qui rendait prétentieux. Petits corps sans esprit à jouer la vie près du précipice, à relever le défi ultime : cap ou pas cap de plonger puis de nager dans la vase jusqu’au bout de la rivière ?
Le quai qui fait grandir : l’espace d’un instant, y revenir est un vertige.

2020
  • 18.5.25

Question

Chaque matin, se demander de la lumière ou de l’ombre laquelle commence la première, à monter pour l’une, à descendre pour l’autre ; et si ce mouvement premier et les suivants, s’imprimant sur le mur à une vitesse croissante, ont un simple but décoratif ou le dessein plus important de bouleverser le monde.
Je me demande ça, puis très vite n’y pense plus.



  • 18.5.25

Rétractile

Le temps se pose sur le rebord de la fenêtre. Le temps est jaune avec des pépiements d’oiseaux dans les oreilles. Le temps picore des miettes de lui-même, s’étire puis se recroqueville, exercice plus psychique que physique. Le temps se moque des oiseaux, des petits rires que font leurs va-et-vient sous son nez. Les oiseaux se moquent du temps jaune et rétractile comme une griffe. Ont-ils seulement conscience d’une fenêtre, de la couleur jaune, de la durée, du type qui les regarde toujours médusé ?
  • 17.5.25

Désordre

Dehors est en désordre,
une main soulevant le ciel
joue avec les lois du paysage.

Ma géographie devient folle,
je vois sens dessus dessous.
À mes pieds rôdent des nuages
et lasse ma tête rase le bitume. 

Vertige en aplats de couleurs,
dehors est en désordre,
saoul comme un tableau cubiste.
  • 15.5.25

Écosser

Il fait un jour à écosser des haricots.
Midi surplombe la table de la cuisine. Le soleil par la fenêtre tente de se frayer un chemin dans les rideaux. Il faut tirer le mauvais, clic et clic dans le silence. Quelques insectes se prennent dans le papier tue-mouches. Maman et moi à regarder plus haut que de nos yeux. À s’échanger des paroles molles sur le tapis de cosses. Compter les bouts de nos vies dont on n’a jamais rien dit. 
Il fait un jour à écosser des haricots.

2020
  • 14.5.25

Les osselets

Il y a la brume soulevée par le matin,
la voix suspendue au premier cri.
L’enfant s’ébroue et la roue tourne,
à chaque cran la nuit glisse. 

Derrière la fenêtre je compte
les osselets dans la cour de récré 
pour à mes yeux dissiper la brume
et ramasser le regard qui tombe.

2022
  • 13.5.25

Ce qu’elle veut de moi

Par la fenêtre les bruits de la ville
passent au tamis de mes oreilles.

Ici dans le lit où je sommeille, je tiens
dans ma gorge le cri des oiseaux. 

La rumeur des moteurs, le son épais
des roues viennent comme un baume. 

J’entends, et c’est étrange, la légèreté
d’un nuage faire ce qu’elle veut de moi. 
  • 11.5.25

Le compte

À l’arrêt de tram, deux jeunes gens sur un banc. Un, deux, trois puis vite cinq, six… j’en perds le compte. Le compte de ces baisers légers par saccades échangés comme deux oiseaux picorent leur mie de pain. Petits coups de bouche, petit air frais avant que le tram, ce rapace, ne les fasse disparaître. 

2019
  • 10.5.25

Tasseau

Rien ne pose sur le sol un pied sûr ; 
les idées trottent en elles-mêmes. 

Le ciel bas de plafond cherche
quelque esprit dans un œil vide. 

Trouver un sens dans la mêlée
de ses nuages tient de l’épopée. 

Il faudra bricoler un tasseau
pour fixer le point du jour

— ou se laisser aller.
  • 9.5.25

Nuage de lait

Une parole s’éteint sous la lampe,
plus aucun mot pour dire l’ombre.

La soif abonde sous tes lèvres
mais personne pour la diluer.

Pas même ce nuage de lait
qui cherche sa tasse de thé.

2018
  • 4.5.25

Croire

L’histoire dénoue une boucle
dans le buisson de tes cheveux.

Un herbier entre les pages
raconte la fronde des amours.

Le reste est taillé dans le réel
auquel on a cessé de croire.

2018
  • 3.5.25

Lumière !

Voilà la lumière qui se déguise 
sous le vol des oiseaux. 

De fines lames, éclats coupés
de leurs ailes, arrivent aux choses. 

Par moments le coin de la table,
l’ovale d’un vase, s’en trouvent aiguisés. 

Lumière ! Pointe d’acier ou d’or,
tout part du seul regard. 
  • 2.5.25

Ce qu’il te plait

Si on regardait les jours
défiler sous les arbres,

s’abriter des ombres 
que les branches agitent,

ce serait rendre 
nos vies plus rassurantes,

débarrassées de tous
les soleils qui aveuglent,

ici au calme précieux 
de l’ondulation du temps.

2019
  • 1.5.25

Chemins

Des traces d’avenir sur le sable,
des rêves coincés entre les murs.

Au bout de ton crayon de bois,
ces lieux intimes mal dessinés

dont il suffit de se souvenir
pour savoir combien ils étaient libres. 

Qu’as-tu fait de tes chemins d’enfance ?

2020
  • 29.4.25

Signe

Je cherche un signe dans la maison
qui tirerait le silence de mon poing. 

La vibration vient de la fenêtre,
pleine du sommeil des autres. 

Un éclat rôde sur la vitre,
paupières ouvertes sur la ville. 

J’ouvre la main.

2022
  • 27.4.25

Pagaille

La vie bat les tempes, bourdon
d’antan et d’aujourd’hui, parole
cacochyme, sifflement de serpent.

Par où s’insérer, trouver sens
dans ce qui part en fanfare 
et revient tapiner dans le froid. 

Écrire en traçant ses courbes,
sinusoïdes femelles, cimes mâles,
la vie vaut bien une telle pagaille. 
  • 26.4.25

Bel ennui

Je me donne à l’ennui
comme à une maîtresse,
avec envie et discrétion. 

Personne ne doit savoir 
les perversions de l’âme,
l’étrange indignité des songes. 

Mon bel ennui, je te chéris 
pour tout ce que tu donnes 
à mentir et à espérer.
  • 25.4.25

Tour

La lumière se vide d’elle-même 
s’accroche quelque part
où mon œil ne sait pas aller. 

Le jour va jouer des notes
de nuit longue — requiem 
pour un paysage d’ombres. 

La lumière va parler de croches 
de portée musicale à d’autres
que mon oreille n’entend pas. 

J’attends mon tour.

2022
  • 24.4.25

Faim

La nuit à peine dégagée
que déjà le ciel flamboie.

Où sont passés les chiens galeux
qui hurlaient nos petites morts ?

Les voisins pleins de sommeil
écartent le soleil des balcons.

On pourrait encore avoir faim
que personne ne le remarquerait.

2018
  • 22.4.25

Presque

On a rouvert les fenêtres
pour que l’air balaie nos visages.

De la rue on entend des voix
sous le murmure du tramway.

Une mouette égarée s’offre
une pause sur le toit d’en face.

Un enfant éclate de rire
et un ballon de baudruche.

Il ferait presque doux.

2019
  • 20.4.25

En voilà des questions !

Par quel miracle aujourd’hui
se tient encore debout 
face à moi qui le regarde ?

Qui tire la ficelle toujours 
plus mince que la veille
et, à la fois, à jamais si solide ?

Qui me protège ainsi,
la joie au bord des yeux
comme un pilier au milieu 
du préau de l’enfance ?
  • 19.4.25

fut-il.net