Du rêve à la réalité

19.12.09

image [ la veillée ] Mon rêve est étrange. Je me confonds avec le mini-barbu. Je suis chahuté et ballotté de toutes parts dans une curieuse cavité sombre. Je tente de percer. J’essaye de m’extraire, d’émerger de ce cauchemar. Comme l’histoire de Bastien, je suis tout petit. Liliputien. Comme dans son récit, je pousse avec vigueur une terre pourtant meuble. Mais en vain. Je m’époumone silencieux et manque cruellement d’air. Paradoxe, quand le roulis cesse de me donner des hauts le cœur, l’endroit est doux, chaud et accueillant. Il y règne une température idéale. Ce cocon, solution pourtant fangeuse, m’emplit de sérénité. Prisonnier mais à l’abri, je me complais à barboter. Pourtant, je le sais, il faut que je sorte. Sortir et grandir reste inéluctable.

La voix grave et forte de mon père me réveille en sursaut et m’extirpe avec douleur de ce songe troublant. Dans mes draps froissés, encore enveloppé dans ma nuit agitée, je suis en nage et ne distincte pas encore la réalité du rêve. La maison est désormais parée de tous ses invités. Les hautes paroles mêlées résonnent dans le salon comme un rappel à la vie. Aujourd’hui c’est Noël et tout ce beau monde se le souhaite bon et joyeux à grands renforts de phrases convenus. Je me lève péniblement encore sur l’emprise de cette captivité étouffante. Les yeux voilés et les cheveux ébouriffés, je sors de ma torpeur par le grand couloir.

Au bout, le sapin. A son pied, une myriade de cadeaux a été déposée. Par qui, comment ? Sur le carrelage, comme je m’y attendais, aucune trace de percée du mini-barbu. Le sol est propre. Les carreaux sont toujours alignés. Noir, blanc, Noir, blanc. Une parfaite symétrie. Le mystère demeure entier. Je soulève quelques paquets. Le grand rouge avec les étoiles d’or puis le petit bleu décoré d’une dizaine de mini-barbus stéréotypés. Sur le troisième, un jaune de taille moyenne avec un ruban argenté, mon prénom est inscrit au feutre bleu. Je souris et le repose soigneusement prés de l’arbre majestueux.

Je reste un instant immobile devant ce parterre de présents. Bastien déboule comme une furie et se glisse sous le sapin. Il fait sauter un à un tous les cadeaux à la recherche des étiquettes portant son prénom. Surexcité, il accompagne ses découvertes d’onomatopées trop bruyantes pour moi. Encore englué dans mes nuées matinales, je préfère descendre au salon rejoindre ma famille endimanchée pour l’occasion. Tous se tiennent autour de la grande table de fête où sont rassemblés tous les mets de circonstance. Le foie gras côtoie les huîtres fraîchement ouvertes tandis que le vin blanc et son homologue rouge passent de mains en mains pour faire descendre les bouchées gargantuesques de nos invités. L’assemblée m’accueille avec grand bruit. Mon oncle, ma tante, mon père, ma mère et ma sœur pris dans une allégresse convenue, m’interpellent tour à tour. « Et bien, il est midi ! Il était temps que tu lèves ! ». Et les rires éclatent, les minauderies stupides s’étalent.

Je m’assois sur le canapé. Le regard vacant, je reste circonspect devant ce spectacle déroutant. Les discussions d’adultes reprennent. Je n’y comprends rien. Autour de moi, Le ballet incessant des verres me donne le vertige. Les plateaux de toasts me survolent. L’odeur du saumon mêlée à celle aigre du vin qui se répand dans leurs gosiers me donne envie de vomir. Tous semblent déjà m’avoir oublié.

A suivre.

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