La dolce vita

10.11.09

La dolce vita Je fais désormais partie du clan depuis quelques semaines. Me voilà embarqué dans la « famiglia » la belle à mon bras et en toute impunité, je profite de ses larges avantages : une savoureuse volupté sensuelle d’une part et une délectable insouciance pécuniaire de l’autre. J’ai succombé à la générosité de la famille ; tout en gardant à l’esprit que tout ce qui m’était proposé ne l’était qu’à travers le souci permanent de chérir d’abord leur fille.

Giuseppe et Paolà ne sont pas pour autant les nobles fortunés que j’imaginais. Ces deux italiens pure souche ont francisé leurs prénoms dés leur arrivée en France au début des années soixante. Ils ont traversé les Alpes sans un sou en poche afin de gagner leur vie et se sont installés dans les vallées de l’Isère, s’intégrant rapidement à la population locale.

Joseph a créé son entreprise dans les années 80 et a très vite fait fortune. Son sens des affaires et sa faconde ont rapidement permis d’élever la famille à un rang social envié. Pourtant dans ce foyer, tout est humble. La maison a l’odeur de l’Italie profonde. En hiver, les effluves de la soupe au pistou chatouillent les narines. Les tomates « cœurs de bœuf » du jardin de Joseph donne ses nouvelles couleurs au printemps. En été, La pizza maison cuite au four à bois ravit les papilles et la bonne confiture de la mama réchauffe nos automnes. Au rythmes des saisons, leur ruralité perdure malgré d’ostensibles signes extérieurs de richesse. Fixés au centre comme des socles rassurants, Joseph et Paule forment désormais l’ancrage de ma nouvelle famille.

Notre rêve de virée à deux se concrétise au mois d’août suivant l’examen de passage devant le patriarche. Dans son cabrio, capote baissée et cheveux aux vents, le grand jeu bât son plein. Cap sur St Tropez, capitale mondiale de la frivolité et des apparences. Je découvre un monde fait de paillettes et de strass. Nous profitons des entrées faciles dans les discothèques branchées, avec escorte jusqu’au carré VIP. Nous abusons du voiturier, élevé aux serviles courbettes, qui gare notre auto au plus prés de la plage privée. Nous exultons devant l’extraordinaire privilège de déjeuner à la table des starlettes du moment. Notre déraison est fascinante. Le monde beau et nous en sommes le centre.

L’escapade tropézienne comme la suite de notre vie seront du même type. Légers, aériens, insouciants, arrogants, dédaigneux, nous surfons sur notre belle jeunesse dorée. Seuls les obligatoires week-ends à « la casa di famiglia » nous rappellent d’où nous venons. Seuls Joseph et Paule, malgré leur réussite sociale et leur fortune soudaine, savent encore nous faire retomber sur terre. La « dolve vita » qu’ils sont heureux de nous offrir se heurte souvent à nos habitudes d’enfants gâtés, pourris, tarés qu’ils ont eux-mêmes engendrées. Ce paradoxe mettra en évidence cette ambiguïté au fil des années et cultivera le trouble dans mon esprit jusqu’à la fin de cette histoire.

La Dolce Vita - Trevi Fountain Scene

La dolce vita postée par Mr M.


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