Les jours fériés

11.11.11

image Les jours fériés ont tous la couleur du sommeil, de la léthargie qui s’est enkystée dans les jours passés à travailler, à produire, à étudier, à jouer, à vivre dans le dedans de la machine. Les fériés sont lâches du monde, on dort à l’intérieur, débarrassés du battement des heures. On grise leur contour - quand ils ne s’en chargent pas eux-mêmes - en titubant sur leurs arêtes affilées en pensant au jour d’après et en déplorant le jour d’avant. Les fériés sont hors de tout, magasins fermés ou presque, certains oui, certains non, c’est férié et on doute, on hésite sur la teneur réelle des heures. Ils nous promènent d’une à l’autre nous laissant perplexe sur la traversée. Les féries nous prennent, jouent de nous, balayent nos pas de porte, jouent avec les volets, ouverts, fermés, ouverts, fermés dans un battement d’incertitude, le regard en coin sur le monde et l’insolence du vide sur l’agenda. Les fériés sont des idiots flanqués dans un jour anodin, jamais le même comme pour renforcer leur cruelle absence de pertinence. Ils hantent les jardins traversés de passants hagards, de quidams désaxés dans leur temps, pas dans leur rôle, pas dans leurs habitudes. Embarqués dans un vortex, les gens des fériés tournent, font des ronds dans l’eau autour des bassins mornes, le dos à l’aspiration des jours créateurs et les pensées happées par un jet-lag sans mouvement. Autour les oiseaux, eux-aussi pris dans les fériés, zonent sur les toits, rassérénés par les avenues vides et l’air devenu si pur - trop pur pour que ça dure, semblent-ils nous dire – puis ils se posent sur des fils au temps figé, les ailes repliées sur la lassitude du monde. Non, décidément, les fériés sont beaucoup trop mous du genou, ils s’empêtrent dans les coutumes, commémorations ou louanges au divin, ils sont les marronniers de nos vies heurtées, des havres qui se voudraient de paix mais qui font de bons gros trous fumants dans la semaine, arrogants qu’ils sont à se prendre pour des dimanches.

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