Veillée avec le Minotaure #VasesCo @perceval45

7.12.12

Premier vendredi de ce mois de décembre, plaisir de recevoir André Rougier dans le cadre des vases communicants. Que vous le suiviez sur Twitter ou que vous l'ayez suivi sur Facebook, pour le reconnaître, c'est simple, suivez son gimmick en ligne : rssss. Plus sérieusement, il est l'auteur du blog "les confins", fourmillantes pages où il rend hommage à ses auteurs préférés - et quels auteurs ! - et plonge également sa plume dans les pixels avec des billets empreints de la littérature dont il gueule la beauté. Lire notamment ses élucubrations ou sa série "je me souviens" qui me plaît particulièrement. 
Vous lirez ci-dessous le texte d'André, reflet de sa présence en ligne, dans lequel on retrouve notamment Jacques Dupin ou encore Maryse Hache et également une galerie de photos de mon Hérault qui est aussi son "païs" (Merci pour le clin d'oeil). 
Mon texte "Un train gris et vert" est, comme il se doit, confiner dans son blog et la liste de l'ensemble des vases de ce mois-ci est rassemblée sur le blog dédié et se déroulera tout au long de la journée dans le scoop-it de Pierre Ménard.
Minotaure, copie d'une statue de Myron, Musée National d'Archéologie d'Athènes

"Un seul mot portera la réplique et le coup de grâce."
 (Jacques Dupin)

vase grec, fin du Vème siècle avant J.C

"Le croiras-tu, Ariane ? dit Thésée, le Minotaure s'est à peine défendu."
 (Jorge Luis Borges)


VEILLÉE AVEC LE MINOTAURE


Séparation dont l'instant prend la mesure, qui l'ébranle, la dénude, la veille, l'ampute, la porte au rivage d'où la lumière chute, l'adosse à l'exil où tout se tisse et se tient...
 Essaim sans choix, comme pétrifié, chant comble, parole truquée, lestée de qui l'évince, timbre, ornière, rouage, que souffle taillade, que besoin étrangle - lente autopsie des traques ne trompant plus ce que confusément elles font être...
 Consentir au Retour, alors, avant que le mentir ne s'en empare et l'habite, sourd passeur, ne reculant que pour en mesurer le chancelant cortège, en usurper les glus et les failles... 
Piétinements mats, étables borgnes, ordres murmurés, plaies de trop, gestes somnambules épuisant les yeux entravés, butin forgé d'éclipses, de multiples, de reliquats, pas qui divergent, mots vacillants sur quoi l'on bute, par quoi l'on intercède - entre deux gorgées d'aqua-tofana, comparses du dire et du revoir coulant et nous perdant derrière, au midi des voeux, aux flancs de la lèpre, tout à la jouissance de n'avoir jamais été l'Autre, à la blessure de grandir, à l'obscure joie de s'en aller...
Qu'on le sache: nulle parousie écourtant l'envol, nulle chasse cachant ses preuves impies à qui passe, puise et clôt: les raffineurs de poisons, les pourvoyeurs d'évidences...


Mais où est le maintenant qui n'est pas d'ici,

Le temps un et innombrable,

La paix qu'amont précède, mais n'en surgit d'aucun,

La circulaire solitude où j'exulte...



Étouffe ces bonds perméables à ta vaillance: dévoilés, comment pourraient-ils ne pas nous décevoir ?


Persévérence de l'engendré, enclos de nos jeux, prés de nos fêtes...


Tout ce que tu appris en lisant, en souffrant, en vivant, eaux de l'enceinte vigilante, verbe qui cèle, mesure qui respire...


Rien ne bougeait, chant des grillons, bourdonnement de guêpes énervées de chaleur et de lumière crue, cris des oiseaux, paysage rivé à cela qui tout sait de ce qui fut...


Tu t'ouvriras, oui, mais au seul épars qui exige des conspirateurs pour le dénouer...


Mise à distance, geste s'immolant aux replis qu'on recompte, arc à vif éboulé dans le temps buissonnier...


Quelle est-elle, la chose dont l'effacement est la seule certitude, qui en appelle à ce qui ne se laisse pas enfermer en elle-même ?


Bouts de mur, chimères huilées, puissance sans nom et sans cri, qui ne se peut, ni oublier, ni assouvir...


Que ne donnerais-je pour la mémoire

Du portail du pavillon secret

Que mon grand-père poussait certains soirs

Avant de s'égarer dans le sommeil

Plus vaste que la musique


N'adhère qu'au terme ajourné où tout sera silence, jamais aux anesthésies qui le dévaluent !


Paroles de profil, ombres à dire, paupières dévêtues livrant passage aux traces détournées, aux levains...

Que vaut, en face, la fragile insinuation de cette cohérence dont nous nous croyions, altièrement, revêtus ?


Héritière des trépas, fluide merveille qui ne traque, n'efface, n'attend...


Herbes cassantes, transies, bouclant le cercle à l'ombre duquel tu t'effrites...



"Dans cet exode où tant de paroles ont douté, où tant de poings ne heurtent que l'enclos de jardins fuyants, je suis à tes côtés. Je te donne la force d'entrer dans ta ville et l'orgueil de n'y point régner."
 (Jacques Dupin)

porte mangée 33 (photo de Maryse Hache)

"Au début, ce fut un peu tendu, puis nous nous sommes apprivoisés, retrouvés. Je sais maintenant que nous ne nous quitterons plus."

(paroles de Maryse Hache, maison d'Orsay, 1er étage, le samedi 20 octobre 2012 vers 18 heures)


Il y a dans l'adieu

la promesse du retour

aux trajets à la soif

à la pierre oublieuse

à l'incertitude des retrouvailles

Il y a dans l'adieu

du noir Soulages

du tracé épaissi

du trait durci

de la geste chancelante

Il y a dans l'adieu

le refus de se fixer

de se situer de capter

d'engranger d'amasser

Il y a dans l'adieu

le non aux tricheries du jour

aux accrocs aux chemins mûrs

aux zizags aux coeurs de cible

Il y a dans l'adieu

le sable effleuré

du lieu où l'on avance

sans y laisser d'empreintes


André Rougier

(sauf indication contraire, photos prises par André Rougier en Languedoc, essentiellement dans le département de l'Hérault, entre 2004 et 2009)

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